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Tislit et Isli

  • Photo du rédacteur: Admin
    Admin
  • 15 mars 2020
  • 3 min de lecture

Dans le Haut Atlas, au cœur du Maroc, les Ait Ibrahim et Ait Ya'za

- Deux clans de la tribu des Ait Hadiddou- étaient rivaux depuis la nuit des temps immémorial. Chacun avait oublié la cause première de l'inimitié. Plus elle perdurait et plus le climat hostile s'intensifiait entre les deux camps. Des zones de pâturages dévastées ? Des puits souillés ? Des chemins entravés de pierres ? Il s'agissait immanquablement du voisin honni ! La spirale infernale des représailles alimentaient la haine. Ce fut en ces temps belliqueux qu'un jeune homme des Ait Ibrahim et une jeune fille des Ait Ya'za se rencontraient. Ils étaient chacun sur un versant de deux petites collines verdoyantes. C'est là, que disaient les anciens, que leur saint patron commun venait faire brouter ses troupeaux. Le jeune homme allait détourner son visage, peut-être même gratifier la jeune fille d'un geste inamical ou cracher à son passage pour conjurer la présence de l'ennemi de toujours. Mais il s'immobilisa et posa sur elle un regard qui l'étonna, lui le premier.

Un frisson de douceur l'envahit. Plus il la contemplait et plus il se sentait rayonner comme le soleil levant encore caché derrière la montagne. Elle portait une belle robe longue tissée de laine fine, blanche, sur laquelle scintillait un collier aux pendentif d'argent. Sur ses épaules, une cape tenus par un fibule étincelante. Ses cheveux souples ondulaient sous les sauts du vent, chahutaient l'équilibre du foulard qui la protégeait de la fraîcheur matinale. La mélodie de ses bracelets avait déjà amadouer le fier berger. Elle s'arrêta doucement pour s'offrir à sa vue. Il l'interpella d'une voix amplifié par l'échos de la vallée :

- O cousine, le vent te salue pour moi !

Je sais à présent qu'il est possible que mon troupeau s'engraisse quand bien même il n'y aurait plus d'herbe !

La jeune fille répondit :

- O cousin, la terre te porte pour moi ! Les brebis mettront bas quand bien même il n'y aurait plus de béliers !

Ils se donnèrent rendez-vous le lendemain, en un endroit où les deux versants de la colline se frôlaient et mêlaient leur fondation. Dès qu'ils s'aperçurent, ils se hélèrent et tissèrent entre eux une passerelle de mots tendres.

Au fur et à mesure de leurs rencontres clandestines, les deux jeunes gens conçurent l'espoir de pouvoir un jour se marier. La jeune fille voulait savoir si sa famille consentirait à ce qu'elle épousât un Ait Ibrahim. Mais elle eu beau rappeler l'ancêtre commun, elle eut beau supplier sa mère, celle-cil s'opposa farouchement à cette alliance. Elle maudissait le clan ennemi ! Quand la jeune fille retrouva son bien-aimé, elle lui confia son chagrin. Ils décidèrent de s’enfuir marchèrent dans les pas l'un de l'autre jusqu'à rejoindre les flancs de la montagne d'Isslan. Épuisés, ils s'agenouillèrent l'un face à l'autre et se mirent à pleurer.


Les larmes sont un poème

Qui remplument les ailes

De l'oiseau solitaire.

Pleurerons, mon tendre ami,

Et que la nuit nous prenne

Nous qui sommes pareils

A deux gouttes de sang

Que balaie le vent.


Ils versèrent un flot intarissable de peine réprimée, une pluie de larme si abondante, si ardente, qu'elle forma deux lacs distincts, jaillis de leurs yeux. Les amoureux se noyèrent bientôt dans l'immensité de leurs pleurs. On retrouva leurs corps dans chacun des deux cratères, qui étaient comme les deux pupilles étincelantes d'un regard ouvert pour toujours sur le ciel.Les deux tribus secouées par ces deuils, demeurèrent inconsolables. Elles se remémoraient le chant des amoureux que l'écho de la vallée avait fait retenir. Les sages invitèrent les deux clans à faire la paix autour d'un festin. Les femmes des deux camps préparèrent ensemble un immense couscous, qu'elles arrosèrent de leur lait, les mères des Ait Ibrahim et des Ait Ya'za échangèrent leurs nourrissons le temps d'une lactation. Ainsi, les hommes de deux tribus devinrent à nouveaux des frères !

Lors de ce repas de réconciliation, il fut unanimement décidé que, désormais, les jeunes gens se choisiraient librement pour s"épouser. Les lacs furent nommés respectivement Tislit et Isli, la fiancée et le fiancé. Parfois sur leurs rives se posent deux oiseaux qui, unissant leurs chants, s'endorment sur la même branche et invitent au moussem d'Imilchil, la fête de l'amour librement consenti, de la joute poétique entre l'homme et la femme, afin d’espérer fonder un foyer bâti sur l'alliance des cœurs.


Cette légende correspond au double cratère d'Isli et de Tislit à Imilchil. Ces deux lacs sont respectivement situés à 10 et 4 km du village d’Imilchil dans le Haut Atlas marocain.

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