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La fiancée de la pluie

  • Photo du rédacteur: Admin
    Admin
  • 5 mars 2020
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 mars 2020

Tiré des Contes des sages berbères, par Malika Halbaoui.


Face au soleil levant et déjà très chaud, sur la crête de la colline, il y avait un village aux multiples cours que les ruelles en impasse reliaient à une voie principale et désertée. Les habitants se tenaient cloîtrés dans leurs maisons, friands d'une fraîcheur providentielle. Le soleil brûlait la terre, les bêtes dépérissaient. L'herbe rase et jaunissait !

Dans le lit de la rivière ne coulait plus qu'un mince ruisseau et des sources ne s'échappait qu'un filet d'eau. Tous craignaient de mourir de soif. L'Amine n taddart, le chef du village, médita longuement sur la situation et, voulant rassurer ceux qu'il administrait, il s'en-alla visiter une vieille sage-femme qui habitait àà la flanc de la colline et qui savait lire les signes cachées de la nature. La matrone au sourire large l'acueillit dans son abri taillé dans dans la roche et le fit asseoir sur une vieille natte de joncs tressés. Il lui exprima son désaroi face à la sécheresse qui sévissait depuis toute une lune déjà.

-Peux-tu me dire, toi la plus vertueuse d'entre nous, ce qui se passe ?

La vieille femme soupira.

- Mon fils, dit-elle affectueusement après un long silence, la cause de nos problèmes vient du Maître de l'eau, Anzar, il est dépité ! Qui est la dernière fille à s'être baignée dans la rivière ?

L'Amine répondit qu'il ne le savait pas , mais qu'il consentait à interroger les villageois pour l'apprendre au plus vite !

Le soir même, sa propre fille, une belle adolescente, lui avoua qu'elle avait été la dernière à s'être rafraîchie dans l'oued. La vieille femme, sitôt avertie, demanda à la jeune fille de la rejoindre.

-Raconte ton bain dans les moindres détails !

- C'était au crépuscule, l'air était très chaud, il faisait lourd. En passant seule près de la rivière, j'ai eu le désir de m'y baigner. Je me suis déchaussée, j'ai glissé un pied, puis l'autre dans l'eau fraîche et j'ai commencé à retiré ma robe. Une voix a retenti, je ne savait d'où elle surgissait, j'ai pris peur et je me suis enfuie !

Le soir même, sa propre fille, une belle adolescente, lui avoua qu'ellle avait été la dernière à s'être rafraîchie dans l'oued. La vieille femme, sitôt avertie, demanda à la jeune fille de la rejoindre.


L'aÏeule l'invita à se souvenir des paroles entendues...


I'liy-ak d ger iyalaen

Ay itri ireqqen deg igenwan

Taxatment n wewray ma teberen

D irgen ruyen waman


Tel l'éclair

Je suis tombé en toi,

Etoile plus brillante

Qu'en mon ciel !

Si je retourne mon anneau d'or

L'eau de la vie s'évapore


La vielle femme éclata de rire :

- Ah, petite sotte, tu pensais qu'un adolescent du village pouvait t'interpeller de la sorte ? C'est le Maître de l'eau, Anzar, qui est tombé amoureux de toi et il te désir ! Comme tu t'es refusée à lui, il a tourné son anneau et retenu l'eau du ciel.

La jeune fille de nouveau rougit. La sage-femme hocha la tête, le regard soudainement attendri.

Le soir même, celle-ci confia au chef et à l'assemblée des villageois réunis :

- Demain dès l'aube, ta fille sera montée sur mon dos, vêtu de sa plus belle robe de soie. Nous passerons de porte en porte. Que chacun nous suive et porte des cadeaux à Anzar ! Que chacun jette sur notre passage ce qui lui reste d'eau pour asperger la belle fiancée qui tiendra dans chacune de ses mains deux grandes louches en bois, aghenja, afin qu'il les remplisse d'eau à son tour ! Que demain tous s'abstiennent de pleurer, le Maître doit sentir que nous allons offrir de bon cœur tous les présents que nous lui apportons !

Préparez les galettes fines, des aghrum arrosées d'huile d'olive et des poivrons écrasés avec de la tomate, des ifelfel, des viandes rôties, ce couscous aux légumes et aux boutons de coquelicots, notre plat de printemps ! Que chacun mette son plus beau vêtement pour aller jusqu'à la rivière ! Pour Anzar, nous serons un joyeux cortège ! Les garçons doivent chanter et les jeunes filles apporter une balle pour jouer à zerzari.

Les villageois, qui dépérissaient, consentirent tous à cet ultime sacrifice de leurs biens et de leur eau. Chacun pendant la nuit confectionna un repas de fête ! Le lendemain matin, à l'aube, la vieille matrone, transportant sur son dos la belle jeune fille aux cuillères de bois et à la belle robe de soie, traversa le village et convoqua, en frappant à chaque porte, les habitants pour la suivre. Plus le cortège grossissait, pluis il ressemblait à un grand fleuve

d'hommes, de femmes, d'enfants, aux vêtements chatoyants, aux bijoux étincelants. A chaque seuil, les cadeaux pour Anzar se mulipliaient, le repas qui allait être partagé en son nom et avec lui serait un hymne à l'abondance. La vielle femme chantait en marchant :


- O Anzar, demain plus aucune goutte

Ne suintera des outres

La terre est pleine de crevasses !


Les jeunes filles poussaient des youyous et répondaient à la vielle femme :

- O Anzar,

Il n'est pas dit que nos ventres demeurent stériles

Que la mort nous fasse taire

Remplis, remplis, remplis la rivière !


Arrivés près de la rivière au lit presque invisible, la vielle femme ordonna à la procession de tourner autour du mausolée du village, puis aux garçons de danser tandis que les filles jouaient à la balle jusqu'à ce que celles-ci tombe dans un trous creusé à cet effet. Tous obéirent avec entrain ! Tous agissaient avec la confiance absolue que chacun de leurs gestes offerts toucherait son destinataire. Tous firent honneur au repas commun !

Puis la sage-femme guida la jeune fille vers la rivière où elle l'invita à entrer, munie de ses cuillères de bois. Elle humecta son visage, aspergea son corps tout en psalmodiant le nom du Maître de l'eau.

Soudain un éclair zébra le ciel, quelques gouttes de pluie couvrirent tous les visages ébahis. Un arc-en-ciel se réfléchit dans le miroir de l'eau et habille de couleurs la robe de la jeune fiancée.

La vielle femme s'écria :

Anzar par cet arc-en-ciel l'a habillé

Et son désir est satisfait !


Tous rentrèrent au village, le cœur mis en joie par cette humeur de fête. Cette nuit-là, Anzar offrit sa réponse généreusement à l'appel reçu : elle fut abondante et fraîche. Une eau comme une bénédiction déversant en chaque brin d'herbe et dans chaque puits un torrent de vie.

La jeune fiancée, quant à elle, soupirait dans son lit, espérant que la rivière fût bientôt pleine pour aller plonger en elle.

Depuis lors, chaque année, dans les montagnes de Kabylie, à l'époque où la terre se durcit, les villageois se réunissent pour fixer le jour où ils célébreront Anzar en lui présentant dans la joie, afin qu'il se réjouisse de sa vision, sa si jolie fiancée de la pluie.



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