Lalla Mimouna

Imma Meimouna Thaguenaouth était une vieille servante qui ne savait ni lire ni écrire. Bien qu'ignorante des textes sacrés, elle vouait sa vie à Dieu et consacrait ses heures de repos à la prière, retirée dans une grotte. Inlassablement, de jour comme de nuit, par tous les temps, son esprit était tourné vers son créateur.

Elle s'abîmait dans d'intense méditations d'où elle émergeait légère et pleine d'une joie qu'elle savait partager avec ses semblables. Elle répétait avec une ardeur qui rendait chaque fois sa parole fraîche et neuve une prière simple, qui ne lui était venue spontanément par son intense dévotion à Dieu :

- Mimouna connaît Dieu et Dieu connaît Mimouna.

Un jour il passa sur le seuil de son refuge un taleb, un savant. Il la salua, et comme elle était complètement absorbée dans sa pratique, elle ne lui prêta pas tout de suite attention.

Elle psalmodiait en douceur :

- Mimouna connaît Dieu et Dieu connaît Mimouna.

En entendant cette prière, le savant se raidit et sermonna la vieille dame :

- Mimouna, ce n'est pas ainsi que l'on prie son seigneur !

Elle posa enfin son regard pétillant sur le visiteur, lui sourit, et lui demanda humblement :

- Pardonne-moi, mon fils, je suis si inculte !

Apprends-moi, s'il te plait, comment prier !

Il soupira et lui récita la prière telle qu'elle devrait être dite dans les canons de la Loi.

Elle l'écouta avec application et tout, tout en le regardant s'éloigner, elle mit en pratique ce qu'il venait de lui apprendre.

Mais sa mémoire lui fit bientôt défaut : elle perdit le fil de ce qu'elle venait d'apprendre.

Voyant le savant, non loin de là, qui montait à bord d'un bateau, elle se leva précipitamment, sa natte sous son bras.

Quand elle fut sur la rive, elle la posa sur l'eau et monta dessus. La natte glissa sur les vagues, avançant seule sur les flots jusqu'à ce que Mimouna fût à portée de voix du savant. Il fut interloqué de la voir debout sur la mer. Elle continuait de lui sourire.

- Pardonne-moi, mon fils, mais j'ai oublié comment prier ! Dis-moi, je t'en supplie !

Le savant sut qu'il avait devant lui une waliya, une sainte femme, une amie intime de Dieu. Il baissa la tête et lui et lui dit d'une voix penaude :

- Ta naïve prière semble convenir au Très-haut ! Elle émane d'un cour pur ! Va, Mimouna ! Va ! Tu n'as besoin de rien d'autre.

Elle eut un sourire contenté comme en ont parfois les enfants. Puis elle rentra chez elle, répétant :

- Mimouna connaît Dieu et Dieu connaît Mimouna.

Prodige ! Une jeune gazelle voilée

Montrant de son doigt pourpré et faisant signe de ses paupières !

Son champ est entre les côtes et le cœur,

O merveille, un jardin parmi les flammes !

Mon cœur devient capable de toutes image :

Il est prairie pour les gazelles,

couvent pour les moines,

Temple pour les idoles, Mecque pour les pèlerins,

Tablettes de la Torah et livre du Coran.

Je suis la religion de l'amour, partout où se dirigent ses montures,

L'amour est ma religion et ma foi.

Ibn'Arabi

Le Chant de l'ardent désir.